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Mes contes, mes poèmes, mes calligraphies, mes dessins, mes peintures ( aquarelle, encre de Chine...), aïkido...

21 Jan

Fils de la Terre - 2ème partie - Genèse indienne - 2

Publié par Françoise Heyoan  - Catégories :  #Nouvelles


II Responsabilité


Lorsque Cheval - Brûlant revient au camp, l’effervescence qui y règne en ce soir d’été l’ étonne. Aigle - Parleur, son ami, vient le chercher en courant :

- Chacal - Trouble a voyagé trois jours pour te voir ! Son père est malade à cause de tes soins !

- A cause de mes soins ! pense le jeune - homme. Un instant, il regrette sa grand -mère tandis qu'un poing étranger lui serre le coeur… Comme Génésia - Hysope lui aurait été utile, aujourd’hui !

Il court rejoindre le visiteur. Toute la tribu fait cercle autour de lui. Chacal - Trouble lève vers lui une mine qui ne dit rien qui vaille… La tribu Chewak, à laquelle il appartient, est en conflit larvé avec les Ponees, celle du jeune guérisseur. Il a cependant accepté de soigner Serpent - Coléreux, pour ne pas hérisser son clan par un refus, même s’il savait que Vautour - Frileux, leur homme - médecine ne lui pardonnerait pas cet affront.

- Pourquoi ne pas vous adresser à Vautou… ? avait - il commencé. On ne l’avait pas laissé finir :

- Tu guéris tout ce qui vit sur cette terre. Serpent - Coléreux connaît ta valeur. Il ne veut recevoir que tes soins.

Voilà ce qui lui avait été répondu, et aujourd’hui…

- Qu’est - il arrivé à Serpent - Coléreux ? demanda - t - il, tremblant d’apprendre sa mort. Quelles complications en perspective pour les deux peuples si…

- Quand il suit tes prescriptions, il devient fou de douleurs et de rage !

Stupéfait, Cheval - Brûlant passe mentalement en revue les soins qu’il lui a recommandés avant de le quitter, alors persuadé que tout irait pour le mieux.

Ours - Tranchant, le chef de la tribu Ponee, fait signe aux deux hommes d’entrer dans son tipi. Les autres membres du clan se dispersent , comme le crépuscule tombe, et rentrent chez eux.

- Où a - t - il mal ? poursuit l’homme - médecine.

- Il se plaint des dents, tout le côté droit de la mâchoire… et des mains aussi !

Aussitôt, Cheval - Brûlant sut qu’il s’agissait des soins à l’argile. Il lui avait conseillé de se frotter les dents à l’argile fine avec un doigt, et de poser des cataplasmes d’argile sur le dos de la main droite… Pourquoi souffrait - il des deux mains ? Et pourquoi l’argile le ferait - elle souffrir, elle qu’il connaissait au contraire pour apaiser toute douleur dans l’immédiat ?

Cheval brûlant se tourne vers son chef :

- Ours - Tranchant, je crois que je devrais faire le voyage pour comprendre ce qui se passe. Serpent - Coléreux est trop vieux pour se déplacer une nouvelle fois…

- Tu sais que nous étions d’accord pour que tu interviennes à la seule condition que tu ne quittes pas le camp. Tu es trop précieux pour nous !

- Je le sais. Mais si je parviens à percer le mystère de ce qui arrive à Serpent - Coléreux, je saurai encore mieux guérir à l’avenir… et nous éviterons une guerre avec les Chewaks.

- Nous n’en sommes pas encore là ! Et s’ils te retenaient en otage, sous n’importe quel prétexte, pour mieux profiter de tous tes talents ?

- J’imagine que Vautour - Frileux ne laisserait pas faire une chose pareille !

- Il est aisé de se débarrasser d’un gêneur !

Chacal - Trouble n’avait pu comprendre leur dialecte et s’impatientait. Ours - Tranchant se tourna vers lui :

- La nuit est tombée. Je t’offre l’hospitalité. Serpent - Coléreux a - t - il arrêté les soins conseillés par Cheval - Brûlant ?

- Non, il a peur, je crois. Sa maladie l’inquiète trop !

- Nous prendrons notre décision au lever du soleil.



Aux premières lueurs de l’aube, la monture de Cheval - Brûlant , Bise - du - Matin, était prête. Son Prewalski s’ébrouait, impatient de secouer la rosée des herbes folles sur la piste. Dans les sacoches de cuir suspendues à l’encolure, l’homme - médecine avait rassemblé ses sachets de poudres, d’herbes séchées, ses flacons de senteurs huilées, ses minéraux, ses distillations de simples, tout un arsenal de médecines de voyage.

Aigle - Parleur regardait son ami achever ses préparatifs, un vague sourire sur les lèvres, un brin d’admiration dans les yeux :

- Tu as décidé de partir !

Cheval - Brûlant lui adressa un regard pressé, déjà ailleurs…

- Le chef t’a donné son accord ? insista Aigle - Parleur. Comme il ne recevait aucune réponse, il sut qu’il avait vu juste. Il connaissait son ami mieux qu’un frère.

- Je vais lui parler ! jeta - t - il en s’éloignant.

Le guérisseur ne chercha pas à le rattraper. Il savait que rien ne pouvait empêcher Aigle - Parleur de parler quand il l’avait décidé. Il portait très bien son nom.

Il devait encore attacher les provisions et sa gourde, sans oublier le gros sac de foin pour Bise - du - Matin. Il regarda s’approcher Chacal - Trouble, tenant de l’index son cheval par le filet.

- Acceptes - tu de me conduire jusqu’à votre camp ? s’assura L’homme - médecine.

- Je t’aurais enlevé si cela avait été nécessaire…

Le coup d’œil qu’ils échangèrent n’avait rien d’amical.

- Ça change quelque chose pour toi que je t’accompagne de mon plein gré ? s’enquit Cheval - Brûlant.

Un sourire s’alluma et disparut rapidement sur le visage de l’intrus :

- Tu auras les mains libres.

- Ravi de l’entendre, murmura le jeune - homme. Puis à voix haute :

- Je ne retarderai pas notre progression, mais tu dois accepter que je m’arrête chaque fois qu’un phénomène en chemin attire mon attention, ou que je juge bon de récolter des végétaux…Je ne mettrai jamais longtemps, et mes observations peuvent être utiles à ton père.

Après un instant d’étonnement, Chacal - Trouble lui lança un regard indéfinissable, puis sauta d’un bond acrobatique sur le dos de son mustang qui fusa au galop.

Le souffle coupé, Cheval Brûlant le vit disparaître derrière le premier bois de hêtres sans avoir eu le temps d’enfourcher Bise - du - Matin.

- A cette allure - là, on ne risque pas de prendre du retard…songea - t - il en donnant le départ au petit trot.




Les sentiments contradictoires affluent dans le cœur de Cheval - Brûlant. Il prend une grande bouffée d’air vif, tend le visage aux rayons bienfaisants du soleil blanc, rouvre les yeux. Il adore ces chevauchées dans un pays vierge, où les montagnes enneigées imposent le silence à l’homme, alors que les douglas, les érables et les hêtres incitent le monde animal à jacasser. Il est à l’affût de tous les sons, de toutes les odeurs, de toutes les couleurs insolites en ce début de printemps tardif. La neige a en effet recouvert la région sans répit pendant de longs mois d’hiver. Elle donne enfin les premiers signes d’une reddition.

Chacal - Trouble a dû régler son allure sur celle de l’homme - médecine, de peur de le perdre. Cheval - Brûlant est bien incapable de déchiffrer les pensées de ce drôle d’ennemi. Il ne s’y attarde pas et revient à ses propres considérations. Malgré le plaisir qu’il prend à parcourir les sentes défrichées par les blaireaux, il sait qu’il doit rester vigilant, et l’état réel de Serpent - Coléreux le préoccupe. Soudain, lui apparaît une évidence : est - il vraiment mal en point ? Ou est - ce une simple manœuvre des Chewaks pour voler l’homme - médecine des Ponees ? Non ! Il se trompe. Il convient de se méfier de Chacal - Trouble, mais sa peur pour son père ne peut être feinte !

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