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Mes contes, mes poèmes, mes calligraphies, mes dessins, mes peintures ( aquarelle, encre de Chine...), aïkido...

03 Oct

Conte d'octobre

Publié par Françoise Heyoan  - Catégories :  #Contes

 

I

 

 

A la vue des jonquilles, dont les premiers boutons commençaient à éclore, il frémit d'impatience. Il approchait de chez lui, et rien d'autre ne comptait plus. Ni la raideur qui l'engourdissait de fatigue et de gel, ni la faim qui le tourmentait. Depuis qu'il avait entrepris de rejoindre ce chemin de crête, une sorte de joie engourdie avait irradié en lui à mesure qu'il gravissait le rude sentier pierreux. Les rus avaient semblé hésiter entre les sculptures transparentes de l'hiver et le réchauffement sous-jacent de la terre, animant d'une vie en pointillés la dégringolade par instant figée, par instant débordante de l'eau.

 

 

Il reconnaissait chaque arbre tortueux, chaque roche grise en suspens, chaque triangle d'herbe rase et jaunie, chaque buisson de houx et remarquait avec plaisir que cette année, ils s'étaient chargés d'une belle moisson de boules rouges. Il leur adressa une grimace, eu égard à leur toxicité, et décida de se poster au bord de la corniche, afin de pouvoir contempler la combe dans son ensemble.

 

 

Un faucon pèlerin se détacha dangereusement de la falaise, de l'autre côté de la combe, et chut dans le vide. Cela lui faisait toujours le même effet : l'impression que son cœur se décrochait et dévalait le vertige vertical de l'oiseau minéral. Comme le faucon amorçait un rétablissement harmonieux au-dessus de l'abîme, il put reprendre sa respiration.

 

 

En réalité, il était heureux. Malgré son long périple, ici, rien n'avait changé. Ni les lieux, ni leurs habitants, ni ses propres réactions...

 

 

Le soleil se levait à peine. Il opta pour un petit bout de chemin qui le menait à une flaque de lumière où il pourrait se chauffer à plaisir, avant sa dernière étape. Peu avant d'atteindre la prairie d'altitude qu'il visait, il sentit une présence et pila.

 


25/09/12

 

II

 

 

A sa vue, l'âne s'efforça de se fondre dans l'arrière-plan gris de la roche immobile. Seules ses oreilles trahissaient son émoi, et l'inclinaison légèrement arquée vers l'arrière de son long cou... La pupille élargie, aussi... Oui, c'est ça. L'élargissement de sa pupille révélait sa peur, de même, à bien y regarder, que la pulsation délicatement affolée sous son jabot vulnérable. Il n'était pas dans son intention de l'effrayer, mais il n'avait pu faire autrement. Le mal était fait. Il s'immobilisa de même, à croire que le tableau pourrait durer toute une vie. Une bourrasque de vent souleva soudain le poil de la bête et son odeur envahit l'espace. Incapable de se refréner plus longtemps, l'âne poussa un braiment à vous rendre sourd à l'instant. Désagréablement surpris, le randonneur s'éloigna sans demander son reste.

 

 

Il atteignit enfin la prometteuse flaque de lumière, entre ciel et roche, à peine recouverte d'un chaume ras. Il évita avec précaution les dards étoilés d'une carline et choisit avec un plaisir indicible une roche plate en hauteur, sur laquelle il se hissa sans difficulté. Il s'y allongea avec un soupir de soulagement et s'assoupit.

 

 

Il se laissa porter par le souffle de l'air, écraser par le poids du soleil, soutenir par la roche solide, et rêva qu'il buvait à la rive d'un torrent glacé. Lorsqu'il se secoua, le soleil piquait à l'ouest en rouge et noir. La faim se fit soudain impérieuse.

 

 

03/10/12

 

 

 

 

 

 

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