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Mes contes, mes poèmes, mes calligraphies, mes dessins, mes peintures ( aquarelle, encre de Chine...), aïkido...

26 Nov

OPALE VENISE IRISEE - chapitre 3

Publié par Françoise Heyoan  - Catégories :  #Roman

 

 

3.

 

 

Il l'entraîna au plus haut de l'escalier, lui fit suivre le couloir à claire-voie du dernier étage. Ils découvrirent alors un large panorama sur la ville qui sombrait. L'eau forçait le passage, engorgeant l'arche des ponts et dégueulait sa colère bouillonnante. Dans les ruelles et sur les places, elle menaçait d'atteindre les étages supérieurs des bâtiments. La jeune fille eut une pensée pour le terrible gâchis qui allait s'ensuivre. Les gondoles n'avaient jamais filé si vite ! Les gens qui se débattaient à pied contre la nuit et les flots semblaient errer au ralenti, y laisser toutes leurs forces. Cependant, ils luttaient, encore et encore...

 

 

 

Attirée par un cliquetis continu et des sortes de flashes répétés dans la nuit, elle finit par quitter la scène qui l'hypnotisait pour se tourner vers l'homme qui ne cessait de prendre clichés sur clichés.

- A quoi... ?

- Je travaille ! coupa-t-il sans jamais s'interrompre.

Elle le regarda, ébahie. Elle ravala sa question, à laquelle il avait partiellement répondu, d'ailleurs, et se renfrogna. Elle se décida, furieuse, à tourner les talons. Elle en avait soupé des manières de ce rustre ! Et elle en avait par-dessus la tête de toute cette flotte ! Dans la ville, dans son cœur, dans ses yeux... Assez ! Elle dévala l'escalier tournant au risque de se précipiter la tête la première au moins dix fois. Entre le rez-de-chaussée et le premier étage, il lui fallut surmonter un haut-le-cœur avant d'oser pénétrer dans la masse noire liquide, froide et vaseuse qui empestait. Elle détestait se mouvoir dans une eau dont elle ne voyait pas le fond. Elle était servie !...

 

 

 

Avant de se lancer, elle leva le regard, et l'aube naissante à l'horizon lui rendit un semblant d'espoir. D'ailleurs, il semblait qu'il en allait ainsi pour tous les Vénitiens dont elle pouvait deviner les silhouettes dans un sombre théâtre d'ombres qui se détachait sur une bande plus claire, au fond du tableau. Un nouveau gondolier se présenta miraculeusement devant elle et lui proposa son aide. Elle lui sauta presque dans les bras et se laissa choir lourdement entre deux personnes renfermées verrouillées sur elles-mêmes qui ne bougèrent pas d'un pouce.

- Où allez-vous, mademoiselle ? s'enquit le gondolier.

Il dut répéter sa question. Elle partait déjà dans une semi-somnolence en se laissant bercer. Elle ouvrit un œil, telle une chouette, mauvais d'ailleurs... Elle ne daigna pas répondre. Le gondolier, philosophe, haussa les épaules et la laissa s'échouer dans le sommeil.

 

 

 

Lorsqu'elle rouvrit un œil, hébété cette fois, elle découvrit qu'elle était toujours dans la gondole ; son conducteur assis à l'avant mangeait un sandwich avec appétit. Il semblait apprécier cette pause. Elle n'avait aucune idée de l'heure qu'il pouvait être et tenta de se fier à la couleur du ciel. Il ne pleuvait plus. Bonne nouvelle ! Mais l'obscurité en plein jour ne lui indiquait rien de bon.

- C'est quelle heure ? bougonna-t-elle.

- Quatre heures cinq.

Elle se demanda sérieusement s'il allait ajouter les secondes puis secoua la tête comme pour effacer ses pensées idiotes.

- C'est l'heure du goûter, alors ? Elle essayait de se montrer gentille...

- Non, celui du repas tout court.

Elle écarquilla les yeux, il hocha la tête en croquant à pleines dents son pain garni de salade qui débordait. Cela signifiait donc que, depuis qu'il l'avait prise à son bord, à l'aube, c'était sa première pause... Elle l'observa mieux et constata les dégâts de la journée sur son visage ravagé par la fatigue et dévoré par une broussaille noire. Elle avisa une bouteille sous le banc, se pencha et la lui tendit, comme pour lui montrer qu'elle compatissait. En souriant, il farfouilla dans un sachet en plastique, en sortit un nouveau sandwich qu'il lui offrit. Elle avait vu des pommes dans le fond de son sac, secoua la tête et lui indiqua, toujours muette, ce qui lui faisait envie. Il acquiesça de la même manière. Elle se leva pour saisir la pomme.

 

26/11/12

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