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Mes contes, mes poèmes, mes calligraphies, mes dessins, mes peintures ( aquarelle, encre de Chine...), aïkido...

16 Nov

OPALE VENISE IRISEE - chapitre 1

Publié par Françoise Heyoan  - Catégories :  #Roman

 

 

1.

 

A cette heure improbable de la nuit, elle suivait, indécise, une ombre qui venait d'affoler sans explication les battements de son pouls. L'humidité montait du sol jusqu'à ses genoux et à ses cuisses, et elle commençait à regretter sa folle entreprise... et de ne pas s'être habillée plus chaudement ! Elle resserra sur elle son manteau trop court, eut tout juste le temps de voir l'ombre se faire happer par l'obscurité au coin de la ruelle, ôta ses chaussures pour courir en silence sur ses bas qui filèrent à l'instant. Elle pesta intérieurement, tâchant de retrouver la trace de ce personnage mystérieux et de ne pas se blesser. Cette fois, l'eau s'infiltra jusqu'à ses chevilles, éclaboussa ses mollets lorsque l'orage, parachevant le tout, se déversa à pleins baquets sur la ville. Elle se sentait transie et moite maintenant, se trouvait dans un quartier qu'elle n'avait pas l'habitude de fréquenter de jour, alors la nuit !... Elle glissa sur un pavé flou et se fit la réflexion qu'avec un tel déluge, Venise – et elle-même, du même coup ! - pourrait bien se retrouver les pieds dans l'eau une fois de plus !...

 

 

 

Quelqu'un la bouscula brutalement et la retint aussitôt pour lui éviter la chute. Elle sentit son épaule exploser, son cœur se décrocher et revenir à sa place à grands coups de marteau, tandis que l'horloge de l'église du quartier se mit à grelotter deux coups. Tout se bousculait dans son esprit : elle ne savait pas si elle devait remercier ou envoyer bouler ce malotru ; elle comprenait tout à coup qu'elle s'était beaucoup attardée dans les ruelles de la ville en pleine nuit ; qu'elle avait bel et bien perdu la trace de celui qu'elle poursuivait et la mauvaise humeur l'emporta, telle un ras-de-marée. Elle emplit ses poumons d'un air saturé d'humidité pour cracher sa hargne à l'inconnu quand elle retint son souffle. Elle venait de s'apercevoir que la mer lui arrivait désormais à mi-cuisse et qu'une agitation inhabituelle emplissait les rues. Des groupes allaient et venaient, des silhouettes solitaires également, en tous sens... Elle reconnut l'uniforme des pompiers qui s'affairaient ici ou là. Tout semblait parfaitement irréel, dans un univers obscur quasi silencieux. Seuls les bruits de l'eau dominaient et étouffaient tous les autres. Une gondole pointait au bout de la ruelle. D'ici et malgré les jeux d'ombres et de faibles lueurs, elle pouvait voir que le gondolier n'avait pas pris le temps de revêtir sa tenue pour les touristes et qu'il était hirsute.

 

 

 

Elle esquissa un sourire songeur, frissonna et mit un moment avant de saisir que l'inconnu s'adressait à elle.

- Ça ira ? lui demandait-il.

- Hein ? Oui, je crois...

Il ne semblait pas convaincu. Elle était désormais en train de noter qu'elle avait aimé le son grave et feutré de sa voix. Elle se secoua. Voilà qu'elle délirait, maintenant... Elle le regarda en face pour la première fois et resta bouche bée. L'individu était l'ombre qu'elle avait passé une partie de la nuit à poursuivre. Elle en était sûre.

 

 

16/11/12

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